24 juin 2008
Red Haze *Degrès 3*
Les morts vivants étaient nombreux (trop nombreux pour tenter de les avoir par la force) et commençaient à se rapprocher dangereusement des trois "touristes" , en avançant de sorte à ne leur laisser aucune porte de sortie.
Josh comprit que c'était une question de seconde : "Suivez moi, vite !"
Profitant d'une faille dans la tactique des revenants, ils se mirent à courir, vers leur gauche, où les revenants n'eurent pas le temps de leur barrer la route, et s'engouffrèrent dans une étroite ruelle.
Leurs poursuivants se mirent à courir également, ceux qui en étaient capables du moins.
Josh, Lola et Samuel couraient donc dans un dédale de ruelles, à en perdre haleine. Ils se rendirent vite compte qu'ils s'étaient engagés dans un labyrinthe infernal où garder tout sens de l'orientation relevait de l'utopie. Leurs pas résonnaient sur les pavés cabossés et leur souffle se faisait bruyant sans couvrir pour autant les grognements de leurs prédateurs.
La scène semblait être un rêve pour Josh, ou plutôt un cauchemard. Mais il ne parvenait pas à se réveiller.
Les murs de pierre semblaient se rapprocher toujours plus et le brouillard, qui empêchait de voir clairement à plus de 6m, les enfermait dans une sorte de bulle blanchâtre comme pour les amener dans la gueule du loup. Des proies aveugles sont plus faciles a attraper.
Comprimés par leur environnement et essoufflés par la course, tous trois se sentaient faibles mais continuaient malgré tout, car si les zombies n'étaient plus visibles derrière eux, il n'y avait aucun doute qu'ils étaient toujours à leurs trousses.
Malheureusement il n'y en avait pas que dérrière et parfois Josh et les deux autres devaient faire demi-tour car des morts avides de sang leur bloquaient le passage. Ou bien, pris en sandwich, ils devaient trouver une échappatoire par une ruelle annexe. Heureusement les biffurcations et petits carrefours étaient nombreux mais Josh savait que le piège se refermait petit à petit sur eux, et que bientôt ils se feraient coincer s'ils ne trouvaient pas une solution.
Et c'est ce qui arriva rapidement :
"- Merde ! Ils ont coupé toutes les issues !
- Faut entrer dans une maison !"
Josh fonça sur la première porte qu'il vit et l'enfonça d'un coup d'épaule : précaution inutile étant donné que la porte n'était pas fermée. Lola entra, suivi de Samuel et de Josh qui ferma la marche.
Ils coururent dans un couloir, montèrent un escalier, coururent dans un autre couloir et arrivés au bout, entrèrent dans une pièce. Sans plus de réflexion ils refermèrent la porte, firent basculer une armoire qui trainait là et la poussèrent contre la porte pour la bloquer. Ils eurent tout juste le temps de mettre en place cette barricade improvisée, que la meute de cannibales arriva devant leur porte et se mit à taper dessus en hurlant et en grognant. Josh, Samuel et Lola étaient plaqués contre l'armoire, à genoux, esperant peut-être arriver ainsi a rendre leur mur de bois inflexible.
Soudainement l'agitation tomba d'un coup, laissant place à un silence subite et total.
Les trois assiégés restèrent dans leur position pendant près d'une minute comme s'ils craignaient que bouger réveille les zombies. Finalement ils se relevèrent et, sans chercher le pourquoi de cette trêve inespérée, allèrent tous trois s'asseoir dans leur coin. La pièce était austère, des murs blancs abimés, une armoire rustique et quelques meubles sans intérêt. Une fenêtre laissait entrer la lumière de ce sombre jour.
Josh prit enfin le temps de penser. Il se demandait si ce village était bien réel. Il était tellement étrange, hormis le fait qu'il était peuplé de morts-vivants il semblait un village tout a fait normal, néanmoins pour Josh il avait l'air de venir d'une autre contrée, d'un autre temps.
C'est alors que Josh aperçut un petit crucifix accroché au mur. Cela le fit sourire tant c'était ironique : il n'aurait jamais cru rencontrer Jesus en enfer.
De longues minutes s'écoulèrent dans ce silence morbide lorsque Lola dit :
"- On est foutus... Ils nous ont coincés et on a plus qu'à choisir entre mourir de faim ou se faire bouffer par des putains de zombies...
- Ferme-la au lieu de dire des conneries." grogna Samuel.
Lola se leva alors : "- Quoi ?! Depuis quand tu me parles comme ça ?
- Je te demande juste de te taire...
- Tu m'aimes plus c'est ça ?
- Hein ? Ce que tu peux être débile parfois ! râla Samuel visiblement en colère.
- Je le savais ! Tu m'aimes plus... Sale con ! Ben si c'est comme ça je vais me suicider, d'façon tu t'en fous toi !!"
En disant cela, Lola appuya le bout du canon de son pistolet sur sa gorge, menaçant de presser la détente.
"Appuie." ne put s'empêcher de penser Josh.
"Arrête de dire et de faire n'importe quoi, Lola !" fit Samuel "Et pose ce foutu flingue, tu..."
PAN !
Le visage de Lola se figea de stupeur, les yeux agrandis par l'étonnement. Elle laissa tomber son arme et le sang se mit à couler abondamment par le trou qu'elle venait de se faire dans la gorge. Elle tomba alors en arrière, sur le dos.
"Lola !!!" cria Samuel.
Il se précipita vers sa petite amie, la prit dans ses bras et son visage à quelques centimètres du sien, répétait : "Lola, Lola, Lola..."
Celle-ci rouvrit les yeux, déjà à moitié éteints, et dans un murmure haché et gargouillant (dur de parler avec un trou dans la gorge) dit : "Pas fait... exprès...".
Le visage de Samuel était inondé de larmes.
"Oh Lola, pourquoi t'as fait ça ? Je t'aime moi ! Je n'ai jamais cessé de t'aimer ! Je t'aime..."
La bouche de Lola se fendit en un faible sourire. Samuel contempla son amie mourante : la pâleur mortelle de son visage contrastait plus que jamais avec la noirceur de ses cheveux, ainsi qu'avec le sang qui semblait être un châle posé sur son cou. Ses lèvres rosées et charnelles, ses yeux bleus, la finesse de son menton : oui il l'aimait. Et elle ne lui avait jamais semblé plus belle qu'à cet instant.
Il était sur le point de lui donner un dernier baiser lorsqu'une détonation retentit.
Il se retrouve aspergé du sang et de la cervelle de Lola : elle venait de se faire exploser la face par un tir de carabine.
Samuel se tourna lentement vers Josh, qui était en train de recharger son fusil tranquillement : "Au cas où elle se transformerait en zombie." dit simplement celui-çi.
Samuel n'avait pas l'air d'arriver à croire à ce qui s'était passé. "Tu l'as buté ?" balbutia Samuel, abasourdi.
Puis la stupefaction qui se lisait dans ses yeux se changèrent en une profonde haine et il se mit à trembler de rage : "Tu l'as buté ! Espèce d'enculé !!" hurla-t-il.
Il se releva et son couteau dans la main, couru vers Josh, les yeux exorbités, vociférant des insultes.
Josh, promptement, pointa son fusil vers Samuel et tira dans son torse. Samuel fut stoppé net dans sa course et s'étala par terre. Il remua encore quelques instants en poussant des râles douloureux, puis s'immobilisa définitivement.
Josh murmura : "Je ne t'avais jamais aimé."
Les coups de feu (ou l'odeur du sang) semblaient avoir sorti les revenants de leur accalmie : ils se mirent à taper et griffer la porte en grognant. Josh voyait bien que leur barricade ne tiendrait pas indéfiniment. Il regarda alors la fenêtre. Sachant que c'était sa seule issue, il s'en approcha, l'ouvrit et jeta un oeil en bas.
La ruelle était vide mais c'était un peu haut. Pas assez pour se tuer mais assez pour se casser quelquechose.
L'idée de devoir échapper à ces carnivores putrides avec une jambe brisée ou deux n'enchantait guère Josh mais s'il attendait içi, il servirait de casse-croûte.
Après avoir récupéré le pistolet, qui trempait dans la mer rouge qu'avait libéré Lola, et le couteau, Josh s'accroupit sur le rebord de la fenêtre, hésita puis sauta.
Il atterri sur ses pieds mais le choc le fit plonger en avant. Les pavés étaient encore plus durs qu'il ne l'avait imaginé.
Il se releva péniblement et sentit que ses chevilles avaient frôlé l'entorse. Il avait mal mais ignorant la douleur, il se remit à courir. Les corps inertes de Samuel et Lola les retarderaient sûrement quelques temps donc il fallait en profiter.
Il décida d'aller dans une direction et de ne plus en changer, ainsi il finirait bien par sortir du maudit village.
Et en effet, il ne lui fallu pas longtemps avant d'avoir une vue brusquement dégagée de toute bâtisse menaçante.
Josh marqua un temps d'arrêt. Aussi simplement et subitement que ça il venait de s'extraire des noeuds compliqués et suffocants des ruelles de Snowing Peaks. Trop beau pour être vrai.
Il se mit donc à courir mais plus lentement qu'auparavant car il appréhendait un peu ce qui l'attendait dans l'océan opaque du brouillard qui s'offrait à lui.
Josh remarqua que le sol n'était pas couvert de neige comme il aurait dû l'être dans ces régions glaciales mais recouvert d'une herbe jaunâtre légèrement gelée qui montait jusqu'au milieu des cuisses. Cette absence de neige était inexplicable mais après ce qu'il avait vécu, plus rien ne pouvait étonner Josh.
Courir dans ce nulle part irréel aurait pu être apaisant mais des images violentes passaient en boucle dans la tête de Josh et une peur viscérale serrait son coeur, tout repos était impossible.
Il s'arrêta finalement, dans le but de reprendre son souffle.
Il avait chaud, horriblement chaud. Il aurait peut-être vendu son âme au diable pour un courant d'air frais.
Un craquement se fit entendre dérrière lui. Quelquechose était tout proche.
Josh fit volte-face, pistolet à la main et bras tendu.
Rien. Il pointait un brouillard désesperement blanc et uniforme.
"Trash ?"
Celui-çi sursauta, il connaissait cette voix.
"Mary ?"
La jeune fille apparut, sortant des hautes herbes. Elle se jeta dans les bras de Josh : "Si tu savais comme je suis soulagée de te voir."
Elle se reprit et s'écarta de Josh, sa réputation de dure à cuir n'autorisait pas ce genre d'émois.
"- C'est quoi ce merdier ? fit-elle.
- Tu n'as rien ?
- Non et toi ? Tu saignes !
- Pas vraiment, t'occupes pas de ça.
- Où sont les autres ?
- ... Morts. Tous."
En entendant ça Mary donna l'impression de s'être pris une décharge éléctrique.
"- Tu... tu te fous de ma gueule ?!
- J'suis pas d'humeur à rire.
- Oh putain...
- Viens avec moi, faut y aller.
- Attends, ce sont ces gens qui les ont tué ?
- Quoi ?
- Quand j'ai suivi Burp je me suis égarée dans le village, j'ai fini par rencontrer des gens... pas normaux. Ils m'ont agressé mais j'ai réussi à me barrer. Un peu plus tard j'étais paumée dans cette plaine à la con ! Je me suis cachée içi en attendant que le brouillard se dissipe... et je t'ai finalement aperçu.
- Oui, ce sont ces gens qui nous ont tués les uns après les autres... Il ne reste que nous.
- Allons les buter !
- T'es tarée ?
- T'as des flingues, allons leur régler leur compte à ces pourris !
- On aura pas assez de balles pour tous les villageois.
- Chier. On fait quoi alors ?
- On se taille.
- Où ça ?
- Loin d'içi.
- ...D'accord. Mais il me faut une arme."
Josh lui tendit le glock.
"- C'est quoi cette histoire ? C'est toi l'homme alors c'est toi qui a le gros pétard c'est ça ? Je veux le fusil !
- Euh..."
Josh lui donna le fusil en haussant les épaules.
"- Mais tu sais t'en servir ?
- Tu me prend vraiment pour une cruche ?
- Bon bon... Prend ces cartouches alors."
Mary dérrière lui, Josh reprend sa course, ne sachant pas vraiment s'il est toujours dans la même direction que tout à l'heure.
Les deux rescapés avancèrent ainsi, sans desserrer les dents, pendant de longues minutes. Jusqu'à ce que Mary ralentisse et dise : "Mais qu'est-ce qui pue comme ça ? C'est infect."
Josh sentait aussi l'odeur en question, c'était une puanteur indescriptible qui aurait pu retourner l'estomac le plus solide. Il aurait encore préféré être enfermé dans une fosse sceptique.
Josh et Mary se mirent à marcher : ils approchaient de la source de l'odeur. Ca y est. Ils la voyaient. C'était une rivière.
En tout cas ça devait être une rivière à l'origine, car on avait plutôt l'impression qu'on avait affaire à un charnier. En effet il y avait plus de corps en décomposition que d'eau dans ce cours d'eau.
L'eau, dont la couleur oscillait entre le jaune et l'orange, se frayait difficilement un passage dans cet amalgalme de masses organiques plus ou moins pourries et plus ou moins définissables. C'était l'image même de la mort concrète, de la mort réelle.
Devant un tel spectacle on ne pouvait pas se rassurer avec des principes d'au-delà, et des images d'âmes paisibles s'élevant parmi les astres et autres créatures célestes.
Non, la mort était ce qu'elle était : sale et naturelle.
Josh ressentit alors encore plus fort le désir de survivre qui l'habitait et qui lui permettrait de traverser toutes les épreuves.
Encore plus pâle que d'habitude, ce qui n'était pas rien étant donné qu'elle l'était déjà fortement en temps normal :
"- Trash, partons, éloignons nous d'içi avant que je gerbe.
- Non. Si on fait demi-tour, on va se faire attraper.
- Alors on a qu'à longer la rivière.
- Pour subir cette puanteur tout au long du chemin ? Et donner une chance aux habitants du village de nous retrouver ?
- Mais merde, tu veux faire quoi ?! Traverser peut-être ?"
Josh se retourna vers Mary et celle-çi lu dans le regard de son ami qu'elle avait vu juste.
"- Non... Pas ça... Déconne pas ! On va pas aller barboter dans cette horreur ?!
- On doit le faire, Mary.
- Vas-y tout seul !
- Et toi tu feras quoi ? Tu vas aller les tuer toute seule ? Ecoute, le principal c'est de garder la tête hors de l'eau et des... cadavres. La rivière ne doit pas être profonde, elle n'est pas très large, on l'aura vite franchie.
- ...Bon... Vas-y je te suis... enfoiré va." grogna Mary.
Josh souri.
Il s'avança sur la berge et au moment où il allait mettre un pied dans l'eau, il sentit la main de Mary se saisir de la sienne. Ce geste perturba un peu Josh : ça devait bien être la première fois que Mary prenait la main de quelqu'un.
"Je ne suis pas sûre d'y arriver seule..." souffla-t-elle à Josh.
Ils commencèrent à s'enfoncer dans le charnier, main dans la main.
Au début ce n'était pas encore trop éprouvant mais une fois que l'eau et le reste arrivèrent aux hanches des deux jeunes, la situation devint insupportable.
Josh réalisa que l'impression de mort et d'immobilité qu'il avait ressenti, en contemplant le charnier de l'extérieur, n'avait été qu'une illusion. Effectivement, aussi paradoxal que cela puisse être, la vie palpitait en ce lieu de désolation.
Les vermines les plus diverses s'étaient donné rendez-vous dans cette rivière de mort pour une orgie colossale. L'eau n'était plus un problème pour elles : ou bien la viande pourrie flottait, ou bien elle s'ammassait, faisant apparaitre quelques collines de morts içi et là, icebergs macabres dans une mer jaune...
Quant aux cadavres qui n'avaient pas eu la chance de moisir à l'air libre, Josh ne doutait pas qu'ils furent harcelés par quelques poissons charognards.
Ce spectacle répugnait Josh mais il ne pouvait s'empêcher de le contempler. C'était tout une société nécrophage qui s'offrait à ses yeux. Là où la viande était la plus rouge et la plus fraîche, des cohortes de rats régnaient en maître, chacun essayant de s'imposer aux autres à coups de griffes et de dents, le but de cette lutte sauvage étant de préserver sa part des autres bien qu'il y en ait largement pour tous.
Les plus gros et les plus aguerris, couverts de cicatrices, se réservaient ainsi les meilleurs morceaux, les plus faibles se contentant de manger une viande infestée de vers ou de nettoyer les os qu'avaient laissé leurs aînés.
Ce qui n'était pas occupé par les rats, c'est à dire les corps les plus faisandés, était envahi d'insectes divers. Des centaines de mouches voletaient au-dessus des immondices, pondant leurs oeufs un peu partout mais avec une préférence pour les orbites vides des cadavres (les yeux sont toujours mangés en premier).
Et les vers ! Comment ne pas parler des vers !
Il y en avait vraiment partout. Ils donnaient un semblant de vie aux corps inanimés, rampant sous la peau ou forant des tunnels et des galeries dans les chairs grises et molles, de l'extérieur on pouvait même apercevoir leurs mouvements. Souffle morbide inspirant une dernière danse aux morts.
D'autres bestioles que Josh n'arrivait pas à assimiler, comme de gros mille-pattes noirs ou d'étranges araignées, pullulaient également dans le charnier.
Enfin majestueux, comparé aux autres dévoreurs de mort, un corbeau planait dans la brume, guettant un moment d'inattention de la part des rats pour leur chiper un bon morceau.
Tandis que Josh observait ce qui l'entourait, il sentit la main de Mary se crisper. Il se retourna et la vit regarder l'eau fixement.
"Ca va ?" Elle ne répondit pas.
Josh comprit qu'elle essayait simplement de faire abstraction de son environnement. Cela valait mieux ainsi.
Ils avaient maintenant de l'eau jusqu'au buste, ce qui inquiétait Josh, qui n'aimait pas le contact de cette eau bizarrement tiède.
Tandis qu'ils passaient dans une sorte de mini-canyon ( des piles de cadavres s'élevaient à leur droite et à leur gauche), des rats les suivirent du regard, confortablement installés dans un abdomen éventré et encore ruisselant de sang.
Leurs petits yeux luisaient tout comme leurs canines, semblant indiquer qu'essayer de se servir dans leur buffet personnel serait une mauvaise idée.
Si les rats se contentaient de menaces tacites, les mouches, elles, étaient passées à l'attaque : elles tourbillonaient autour de Josh et Mary et s'acharnaient à aller se coller sur leur visage, comme si elles voulaient les dévorer vivants.
De sa main gauche Josh tentait désesperement de repousser les assauts aériens tandis que sa main droite tenait celle de Mary, tout cela en essayant tant bien que mal de progresser sans tomber, sur ces reliefs chaotiques et instables.
Les deux jeunes évoluaient malgré tout dans cet univers de la viande froide, contournant les obstacles, et luttant avec hargne contre les diptères entêtés.
Josh était oppressé par le bourdonnement de ces insectes qui semblait enserrer sa tête dans un étau auditif.
Derrière ce grondement monotone il parvenait néanmoins a entendre les vers grouiller et de temps a autre un croassement résonnait, transperçant le brouillard comme un cri funèbre venu d'un caveau hanté par quelque spectre tourmenté.
Ils avaient maintenant de l'eau jusqu'au menton, Josh réalisa qu'il s'était trompé quant à la profondeur du cours d'eau.
Le pire était que désormais Josh n'arrivait plus à chasser les mouches. Elles le harcelaient, essayant de se poser sur ses yeux ou sa bouche ou alors jusque dans ses oreilles. Josh n'en pouvait plus mais résistait à la tentation de plonger la tête dans l'eau.
Il vit alors un morceau de chair noirâtre passer à quelques millimètres de son visage, de gros vers blancs se tortillaient dessus, comme des naufragés ballotés par les flots sur leur radeau de la méduse.
Josh et Mary avaient bien progressé et le fond remontait maintenant.
Ca avait l'air bientôt fini lorsque Josh et Mary furent confrontés à un nouvel obstacle.
Un empilement massif de cadavres formait une longue barrière organique haute d'à peu près 3 mètres.
"On croirait qu'ils l'ont fait exprès..." soupira Josh. "Viens Mary, on escalade ça et c'est fini." La jeune fille acquiesca, le regard vide.
Josh s'approcha du tas de mort, posa son pied sur un corps et s'en servit comme support pour s'élever, il s'accrochait aux membres qui dépassaient et qui semblaient solides. Il se hissait ainsi jusqu'à ce qu'une tête sur laquelle il prenait appui se détache de son corps. Josh fut déséquilibré mais heureusement le bras sur lequel il prenait appui avait tenu le choc.
Il se replaça sur un torse d'homme au teint verdâtre.
C'était presque malsain de grimper de la sorte sur des corps moisis et, pour la plupart, dénudés. Josh se concentrait sur son équilibre et ses efforts, tâchant d'ignorer ce à quoi il faisait vraiment face : des corps tordus et disloqués, des visages déformés par la douleur et la mort, des yeux grand ouverts où se lisent encore la terreur...
Josh jeta un oeil à Mary : elle le suivait de près.
"On arrive au bout ! Courage."
Il n'avait plus qu'à se hisser encore une fois et il serait sur la pile de morts. Il chercha une prise en hauteur mais ne trouva rien, alors il enfonça ses doigts dans le ventre de ce qui était une femme et parvint à monter.
"J'en ai sous les ongles maintenant..."
Ca y est, ils étaient tous deux arrivés en haut.
Ils firent quelques pas et du haut de leur promontoire morbide, virent l'autre berge.
Ils redescendirent donc le tas de cadavres de l'autre côté, moins raide à cet endroit.
Soudainement Mary se mit à crier : "Quelquechose m'a agrippé !".
Une main surgie d'un enchevêtrement de corps mutilés empoignait effectivement la cheville de la jeune fille. Josh s'approcha et pour ne pas gâcher de munitions, décida de s'en occuper à la main, il prit un doigt et le tordit a l'envers. Il s'attendait à ce que le doigt casse mais à sa grande surprise, la chair et l'os s'effritèrent comme du bois mort. Il fit de même pour les autres doigts jusqu'à faire de la main un misérable et inoffensif moignon. Mary s'écarta vivement, de dégout, et trébucha, pour aller rouler-bouler jusqu'en bas (du bon côté heureusement) : "Meeerde !" .
Josh accouru : "Hé, ça va ?"
Mary s'était écrasée dans un tas d'intestins où les asticots grouillaient avec ferveur. "J'en ai marre..."
Josh aida son amie à se relever, débarrassa sa chevelure rousse des vers qui s'y étaient incrustés et ils arrivèrent enfin sur la berge tant désirée.
Ils marchèrent un peu dans l'herbe et s'écroulèrent côte à côte, livides.
Allongés sur le dos, ils récupéraient leur souffle et restaient silencieux.
"Si j'avais pas déjà tout vomi, je serais en train de gerber." pensa Josh.
Mary dit, d'une voix grave :
"- On l'aura vite franchie, hein ? C'était interminable, là pour le coup, tu m'as bien eue...
- Je n'imaginais pas ça comme ça.
- La prochaine fois que t'iras prendre ton bain avec tes potes les rats, ce sera en solo.
- Y aura pas de prochaines fois.
- Ouais... N'empêche n'oublie pas de me rappeler d'emporter un bazooka et une tenue de plongée si un jour je repars en vacance avec toi."
Mary essayait de faire rire Josh pour détendre l'atmosphère mais celui-çi n'aurait même pas pu sourire à cet instant.
Il fixait la couche blanche qui les surplombaient en essayant de remettre de l'ordre dans ses idées et surtout de trouver quelques explications qui puisse le raccrocher à la réalité. Il avait le sentiment de traverser un cauchemard. Mais dans sa tête ne faisaient que résonner l'écho des cris de ses amis perdus et des images brusques et violentes repassaient en boucle, refrain obsédant et écoeurant.
La volonté de survivre l'avait poussé à traverser cette rivière jaune mais maintenant qu'il l'avait passée, il ne désirait plus que se laisser mourir là, étendu dans l'herbe et puant la mort à 15 mètres.
Mary se remit sur pied, soupira puis tendit la main à Josh, l'invitant à se relever. Josh la regarda dans les yeux. Il avait l'impression de les voir pour la première fois.
Si elle avait le courage de continuer, il l'aurait aussi.
Ils se remirent donc en route mais ne couraient pas, cette fois, ils trainaient du pied, extenués.
Au bout d'un certain temps, que Josh n'aurait pas pu estimer (il était impossible de garder une notion du temps en cet endroit), ils arrivèrent devant une grande grille noire.
La grille ressemblait à celles qui entourent les parcs anciens, de grands barreaux de deux mètres à peu près, dont l'extrémité supérieure se finit par une sorte de fer de lance.
Ils longèrent la grille, ne pouvant pas passer à travers, et finirent par trouver l'entrée. Josh s'y engagea quand Mary fit :
"- Hé qu'est-ce que tu fous ? On était pas censés se barrer ?
- On s'est assez éloigné du village, nous devons trouver de l'aide, peut-être qu'il y a quelqu'un içi.
- Oh, je ne doutes pas qu'il y ai quelqu'un mais par-contre je doute que les personnes qu'on risque de trouver là-bas soient végétariennes...
- Y aura pas de... zombies ici.
- Ah bon ? Qu'est-ce qui te permet d'en être si sûr ?
- Je sais pas.
- Ecoute Josh, la rivière m'a suffit. J'en ai pour des années de cauchemards... On pourrait pas plutôt continuer notre route ?
-On est dans le Minnesota ici ! Des kilomètres et des kilomètres de nature sauvage et hostile ! On crèverait de froid et de faim d'ici deux jours. Faut trouver de l'aide."
Mary ne semblait pas vraiment convaincue. Josh s'approcha d'elle et plongea ses yeux dans l'émeraude des siens. "Mary..." souffla-t-il.
Il la prit dans ses bras. Il sentit qu'elle se crispa.
Mary était connue pour être une vraie dure, elle ne mâchait pas ses mots et quand elle avait des contacts avec les hommes, c'était pour leur faire la tête au carré.
La tendresse lui semblait totalement étrangère.
Il la serra contre lui et lui chuchota à l'oreille : "Mary, viens avec moi, fais moi confiance... J'ai besoin de toi."
Il relâcha son étreinte.
Elle était désarmée et troublée : "Euh... euh..."
Josh lui tourna le dos, franchit l'entrée et disparu dans le brouillard. Mary émit un soupir exaspéré. "Raah, les mecs !"
Elle s'engagea derrière Josh, en serrant contre elle sa carabine.
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Suite au prochain article.
ps : suite à la "mort" de l'ordi que j'utilisais pour le net, j'ai perdu tous mes fichier (photos, musiques, vidéos...) donc les photos que j'avais prévu pour cette suite de Red Haze (une photo et le plan de Snowing Peak) ont été perdues aussi. Je rajouterais donc les photos (que je referai) plus tard. Si j'ai été long c'est de une parce que j'ai eu d'autres choses à faire et de deux parce qu'avec cette mort d'ordi j'ai perdu ce que j'avais commencé à recopier.